17 Novembre 2020
Mardi 17 novembre, les députés examinent la proposition de loi de « sécurité globale" ». Le SNJ-CGT dénonce les dangers que cette dernière fait courir aux libertés de manifester, d'informer et de s'informer.
( Article paru et publié sur le site de l'UGICT CGT )
Mardi 17 novembre, l’Assemblée nationale examine en première lecture la proposition de loi dite de « sécurité globale », déposée le 20 octobre par le groupe majoritaire de la République en marche. Parmi ses principaux promoteurs, un ancien patron du Raid, Jean-Michel Fauvergue, et un ancien ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner. Sur la forme, elle sera examinée en procédure accélérée, limitant le débat démocratique à un seul passage devant les députés et les sénateurs. Sur le fond, elle constitue une nouvelle atteinte aux libertés de manifester, d'informer et de s’informer. Le texte permet ainsi que « les images captées et enregistrées au moyen de caméras individuelles », portées par les forces de l’ordre, soient « transmises en temps réel au poste de commandement du service concerné et aux personnels impliqués dans la conduite et l'exécution de l'intervention » (article 21). Ou encore la généralisation de l’utilisation de drones de surveillance vidéo (article 22).
Quant à l’article 24, il punit « d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support, dans le but qu'il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l'image du visage ou tout autre élément d'identification d'un fonctionnaire de la police nationale ou d'un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu'il agit dans le cadre d'une opération de police ». Les promoteurs du texte ont beau jeu d’assurer que la diffusion d’images n’ayant pas pour but de porter « atteinte à l’intégrité physique ou psychique » des forces de l’ordre ne sera pas interdite. C’est méconnaître totalement les conditions de travail des journalistes qui couvrent les manifestations, très souvent confrontés à l’hostilité de la police, intimidations, confiscation de matériel, arrestations, gardes à vue, coups, tirs de flash-ball, jets de lacrymogène ou de grenades… Une telle loi ne ferait que conforter cette dernière dans l’idée – totalement fausse – qu’il est interdit de filmer ou de photographier un policier sans son autorisation. Les plus touchés seront les journalistes précaires, plus nombreux que les autres à travailler sur ces sujets.
Se cacher derrière le paravent de « l’intégrité physique ou psychique », c’est également oublier qu’une telle formule est porteuse de toutes les ambiguïtés et interprétations possibles. Ce qui ne manquera pas d’entraîner une auto-censure au sein des médias et des réseaux sociaux, qui s’abstiendront de diffuser certaines images, par crainte d’une condamnation. Et c’est tout un pan de l’information qui disparaitrait, en particulier celui qui documente les violences policières. L’objectif réel de cette loi serait alors atteint, comme l’a avoué sans nuance sur BFMTV le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin : « J'avais fait une promesse, qui était celle de ne plus pouvoir diffuser les images des policiers et des gendarmes sur les réseaux sociaux. Cette promesse sera tenue puisque la loi prévoira l'interdiction de la diffusion de ces images. »
Cette offensive n’est pas une surprise pour les journalistes. En février dernier, Christophe Castaner travaillait déjà sur un tel projet. Fin mai, plusieurs dizaines de députés, Éric Ciotti en tête, déposaient une proposition de loi « visant à rendre non identifiables les forces de l'ordre lors de la diffusion d'images dans l'espace médiatique ». En septembre, la publication par le ministère de l’Intérieur du Schéma national de maintien de l’ordre (SNMO) introduisait par ailleurs une discrimination, lors de la couverture des manifestations, entre « les journalistes, titulaires d'une carte de presse, accrédités auprès des autorités » et les autres. Une fois de plus, les plus précaires sont visés. Le SNMO ajoute « que le délit constitué par le fait de se maintenir dans un attroupement après sommation [des forces de l’ordre, NDLR] ne comporte aucune exception, y compris au profit des journalistes et des membres d’associations ». En clair: plus de témoins gênants au moment où se produisent un grand nombre des violences policières. On pourrait aussi rappeler les convocations de journalistes par la DGSI, qui se sont multipliées ces dernières années, avec un seul objectif : identifier les sources qui leur ont permis de publier des enquêtes sur des sujets sensibles.
Cette loi de « sécurité globale » n’est donc qu’une attaque de plus, mais une attaque de trop, qu’il est primordial de contrer. Les syndicats et associations de journalistes se sont élevés contre elle et un premier rassemblement est organisé mardi 17 novembre près de l’Assemblée nationale. Mais la mobilisation va bien au-delà des journalistes, puisque tous les citoyens susceptibles de photographier ou filmer les forces de l’ordre sont ciblés. Un vrai combat pour la défense de nos libertés.
Par Emmanuel Vire, secrétaire général du SNJ-CGT, et Ludovic Finez, membre du Bureau national du SNJ-CGT
Tribune initialiement publiée sur NVO.fr
L'importance de la mobilisation est primordiale et peut prendre différentes formes complémentaires.
Ainsi, un modèle de courrier à envoyer aux députés a également été rédigé, à télécharger sur le site du SNJ CGT également.
Vous pouvez aussi télécharger sur leur site un modèle d'attestation de déplacement dérogatoire pour participer au rassemblement.