13 Juin 2023
DECRYPTAGE. Après la réforme des retraites et celle de l’assurance-chômage, le gouvernement s’attaque au marché de l’emploi avec « France travail ». Derrière l’objectif du « plein-emploi », le gouvernement s'attaque aux précaires plutôt qu'à la précarité.
Les mesures proposées auraient de lourdes conséquences sur les travailler·ses précaires, les privé·es d'emplois, allocataires des minimas sociaux, travailleur·ses handicapé·es et jeunes en insertion.
Élaboré à partir des propositions du rapport du Haut-commissaire à l’emploi, remis fin avril au gouvernement ( Lire le communiqué de presse CGT), le projet répond d'abord aux besoins immédiats des entreprises en forçant les plus précaires à accepter n’importe quel emploi vacant.
À la paupérisation, le gouvernement répond par la contrainte, le chantage aux aides pour forcer les actif∙ves à travailler, quel que soit l’emploi, quels que soient les risques et conditions.
La CGT Pôle emploi a publié une analyse détaillée, très critique du projet et dénonce une "libéralisation" du service public de l’emploi et de l’insertion pour "satisfaire uniquement les besoins des employeurs et contraindre les usagers".
La CGT dénonce la logique coercitive du projet de loi qui s’éloigne de la réponse aux besoins des travailleur·euses, respectant leurs parcours et leurs qualifications.
Dans la poursuite de la bataille contre la réforme des retraites, la CGT se mobilise contre les pires dispositions de ce projet de loi, qui recueille l’opposition de toutes les organisations syndicales. Elle travaille avec les organisations CGT en territoires, notamment celles concernées par les expérimentations sur les allocataires du RSA; mais aussi les comités régionaux avec les modifications du CREFOP (Comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation).
Retrouvez tous les visuels à télécharger pour diffuser sur les réseaux sociaux ici ( format 1:1) :
Le réseau France Travail prévoit de rassembler l’ensemble des organismes en charge de l’emploi et de l’insertion, dans une logique de répartition des publics.
Ce projet de loi laisse toute latitude à l’opérateur ainsi qu’aux départements pour faire appel à des prestataires privés chargés de repérer et de « remobiliser » les personnes dites « éloignées des institutions du service public de l’emploi » seront conventionnés par l’État et récompensés selon la « qualité » de leurs actions et les résultats obtenus.(Article paru et publié sur le site de la cgt.fr)
Ainsi, les organismes privés ne prendront en charge que les personnes les moins éloignées de l’emploi, laissant aux organismes publics les publics les plus éloignés. Aussi, et comme cela s’est produit avec les opérateurs privés de placement subventionnés aux résultats, tout laisse à croire, à terme, à une privatisation généralisée du service public de l'emploi.
Conçu comme un opérateur géant, France travail a pour objectif d'être la porte d'entrée des publics pour chaque organisme via un portail numérique.
Alors que le taux de non recours au RSA s'élève à 34%( DRESS), cette disposition est le meilleur moyen d'isoler les plus précaires et d'accentuer le non recours aux droits.
La mise en place de France Travail et du tout numérique dévoie le sens même d’accompagnement des privé·es d’emploi, tant pour les usagers que pour les travailleurs∙ses de ces organismes.
France Travail organise l'inscription automatiquement sur la liste des demandeur∙ses d’emplois pour :
Les demandeur·ses seront lié·es à France Travail via le nouveau Contrat d’Engagement.En cas de non-respect des "devoirs" prévus par le Contrat d’Engagement, les bénéficiaires du RSA, allocataires de l’assurance chômage ou les jeunes accompagnés par les missions locales verront leurs droits suspendus.
Le projet prévoit de mobiliser massivement la notion de travailleur handicapé. En effet, lorsqu’une personne inscrite comme demandeur d’emploi obtient une reconnaissance administrative de son handicap (RQTH, Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé), l’opérateur France Travail en sera automatiquement informé. Par cette reconnaissance, l’opérateur peut orienter la personne dans le milieu dit « protégé » des ESAT ou des Entreprises Adaptés, où le droit du travail, le SMIC, la cotisation sociale n’existe toujours pas, même si le gouvernement annonce des avancées.
Pour répondre à cela, la reconnaissance de travailleur∙euse handicapé∙e est élargie non plus aux seules personnes qui en font la demande, mais attribuée automatiquement aux accidenté∙es du travail, victimes de maladies professionnelles, titulaire de l’Allocation Adulte Handicapé, titulaire d’une pension d’invalidité ou d’une carte « mobilité inclusion » avec mention « invalidité » et même aux mineurs ayant été accompagnés par une MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapés) pendant leur scolarité.
Une main d’oeuvre aux besoins nécessaires d’adaptation et d’accompagnement vers l’emploi va donc être repérée automatiquement et orientée en masse dans des entreprises qui, sous couvert de missions médico-sociales, exploitent les travailleur∙ses handicapé∙es sous le patronage de l’État.
Pour ceux et celles qui échapperont au milieu protégé, cette extension large de la notion de travailleur∙se handicapé∙e est une aubaine pour les employeurs du privé. Pour rappel, toutes les entreprises de plus de 20 salariés doivent embaucher 6% de travailleur∙ses handicapé∙es dans leurs effectifs, sous peine de payer une contribution financière. L’arrivée massive de nouveaux travailleur∙ses reconnu∙es automatiquement comme handicapé·es, sans leur avis, permettra aux employeurs d’échapper aux sanctions financières.
La proposition de loi prévoit un programme national de formations, via des conventionnements avec les régions, selon les besoins des personnes et des besoins des entreprises. Sachant que refuser une formation -et un emploi- est un critère de suspension de droits, ce plan permet de former les travailleur∙ses à des métiers et des secteurs en peine de recrutement.
Une aubaine pour les employeurs de secteurs particulièrement connus pour leurs conditions de travail médiocres et leurs rémunérations insuffisantes (comme le secteur de l’hôtellerie et de la restauration) et qui peinent à trouver de la main d’oeuvre.
Grâce à France Travail et aux formations qui seront délivrées, ces employeurs n’auront pas besoin d’augmenter les salaires ou d’agir sur l’environnement professionnel : France Travail leur fournira des travailleur∙ses qui n’auront d’autres choix que d’occuper ces postes.
Le projet de loi assouplit des conditions d’accès à l’emploi à l’issue d’une Préparation Opérationnelle à l’Emploi (POE). Pour la CGT, la POE ne devrait pas pouvoir déboucher que sur un emploi pérenne : un CDI à temps plein ou un contrat de professionnalisation en CDI. La possibilité de CDD ou pire, de contrat d’apprentissage, qui est de la formation initiale, vient détourner la POE de son objectif initial : le retour à l’emploi.
Le texte ouvre la possibilité d’organiser et de financer des formations réalisables exclusivement à distance. Pour la CGT, les privé∙es d’emploi doivent pouvoir garder la main sur la formation pédagogique qui leur correspond le mieux au regard de leurs besoins, leurs moyens financiers (achat d’un ordinateur), leurs aptitudes (informatiques) et leur envie de se former seuls et en dehors de toute vie de groupe. Il faut aussi veiller à ce que ces formations, comme toutes les autres, soient reconnues, certifiantes et valorisées financièrement par l’employeur à leur issue.
Pour la CGT, la formation professionnelle ne peut pas être uniquement en adéquation stricte avec les demandes immédiates et étroites exprimées par les employeurs, quel que soit leur statut. Chaque privé∙e d’emploi doit pouvoir accéder à une formation de son choix qui lui permette l’obtention d’une qualification, une reconversion, l’acquisition des éléments pour les adaptations et évolutions futures, qui, on le sait, sont les leviers essentiels pour un retour à l’emploi rapide.
Dans l’objectif de lever les « freins » à l’emploi, le projet de loi établit le cadre d’une stratégie nationale de politique d’accueil du jeune enfant. La branche Famille de la Sécurité Sociale sera mise à contribution ; Les collectivités locales deviennent les grands pilotes de l’offre d’accueil de la petite enfance, en partenariat avec les CAF.
Cette stratégie nationale fixerait les priorités et objectifs pluriannuels de développement quantitatif et qualitatif de l’offre d’accueil du jeune enfant, qui ont vocation à être déclinés dans les schémas départementaux de services aux familles. Ils recenseront les besoins des enfants de moins de trois ans et de leurs familles et les services d’accueil pour y répondre. L’objectif est de prévoir une trajectoire pluriannuelle de développement ou de redéploiement des services, ainsi que les moyens financiers et en nombre de professionnel∙les nécessaires pour la mettre en œuvre, y compris en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Ce schéma serait élaboré en concertation avec la caisse d’allocations familiales qui apporteraient son appui financier et en ingénierie pour le mettre en œuvre.
Par cette loi, la branche Famille de la Sécurité Sociale est directement intégrée dans cette stratégie nationale de l’accueil du jeune enfant, au service de France Travail.
La branche famille, qui est aussi gestionnaire du RSA pour le compte de l’Etat, devra partager ses fichiers d’informations concernant les bénéficiaires du RSA avec France Travail afin que l’on contrôle plus facilement les éventuelles ressources et le respect du contrat d’engagement. À ce titre, certaines CAF pourront se positionner pour l’accompagnement de ces publics.
✅ Basé sur le droit du travail.
✅ Assuré par des agents garants de l'intérêt général, en nombre suffisants et formés pour permettre un accueil inconditionnel.
✅Développant un accompagnement personnalisé, selon les attentes et les besoins des usagers avec des moyens pour adapter le travail aux travailleur·ses en situation de handicap et pas l'inverse.
✅ Garantissant le recueille, la légalité et le respect des conventions collectives des offres.