29 Septembre 2023
[Décryptage] La réforme des retraites 2023 : tout savoir sur le recul de l’âge légal, le cumul emploi-retraite, la retraite progressive, le minimum de retraite, les carrières longues,…
Après des mois de contestation, des manifestations exceptionnelles, une batailles législative virulente et un recours devant le Conseil constitutionnel, la réforme des retraites est entrée en application le 1er septembre 2023.
Après la promulgation de la loi le 14 avril dernier, une grande partie des décrets d’application ont été publiés cet été en tentant de mettre quelques pansements pour atténuer la violence du choc : élargissement de la retraite progressive et du cumul, etc. Les autres décrets devraient paraître cet automne.
Outre la fin des régimes spéciaux, cette réforme des retraites demeure injuste notamment pour les carrières hachées avec un impact fort pour les femmes, les précaires, les personnes sorties de l’emploi bien avant l’âge légal et victimes du raccourcissement des droits aux allocations chômage. Aussi, pour la CGT il est encore temps d'agir.
De plus, la mise en application aux forceps de cette réforme met en difficulté un bon nombre de salarié·es ; par exemple celles et ceux pouvant prétendre à un départ anticipé en raison de l’absence de communication sur la « clause de sauvegarde pour les carrières longues » ( lire aussi "clause de sauvegarde de carrière longue : un manque de communication volontaire ?).
Mesure phare – et la plus contestée- de la réforme des retraites, l’âge de départ à la retraite à taux plein est décalé de deux ans, passant de 62 à 64 ans. Depuis le 1er septembre, les personnes nées à partir du 1er septembre 1961 devront attendre 62 ans et 3 mois pour prétendre à la retraite. L’âge légal sera ensuite progressivement décalé de trois mois chaque année, pour atteindre 64 ans en 2030. (Article paru et publié sur le site de la cgt.fr)
Au recul de l’âge légal s’ajoute l’accélération de l’allongement de la durée de cotisation ( Loi Touraine 2014). Ainsi, la durée de cotisation nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein augmente progressivement d’un trimestre supplémentaire par an passant de 42 ans aujourd’hui à 43 ans, dès 2027 au lieu de 2023. L’annulation de la décote est toutefois maintenue à 67 ans pour les cotisants qui n’auront pas tous les trimestres requis.⬇️
Tous les salarié•es sont concerné·es par le recul de l’âge de départ, même ceux bénéficiant d’une carrière longue :
La revalorisation des minima de pension concerne la hausse future du minimum contributif (qui concerne les assuré.es ayant une carrière complète), qui devrait être indexé sur le SMIC à l’avenir, et la prise en compte de certaines périodes d’assurance dans son décompte (congé parental et congé proche aidant), ce qui se couple à l’accélération de l’augmentation de la durée d’assurance pour le taux plein.
Mesures sur le « flux » (pensions liquidées à compter du 1er septembre) : MICO
Le MICO (Minimum contributif) servi à compter du 1er septembre (flux) est désormais indexé sur le SMIC, mais une fois perçu la pension reste revalorisée au 1er janvier sur l'inflation comme pour les autres retraites (ce qui va entraîner un décrochage).
Le montant du MICO est également rehaussé : 709,13€ par mois en base (+25 euros), et 847,57 € par mois en majoré (+100 euros). Le MICO majoré est servi dès lors que le total des trimestres cotisés au régime général est d’au moins 120 trimestres. Ces montants sont écrêtés si le total des pensions dépasse 1.352,23 € mensuels.
Mesures sur le « stock » (personnes déjà retraitées) : MAJEX
Le décret comporte également les mesures liées à la création de la majoration exceptionnelle (MAJEX), qui est une revalorisation des pensions déjà liquidées (stock). Cette MAJEX sera au maximum de 100 € mensuels et devrait être versée avant le 1er septembre 2024, avec un effet rétroactif au 1er septembre 2023.
Pour bénéficier de la MAJEX, il faut avoir effectivement liquidé toutes ses pensions de retraites, dont la pension au régime général au taux de 50%, et avoir cotisé au moins 120 trimestres au régime général.
Le montant de 100 € est versé si l’assuré.e a une carrière complète au régime général, dans le cas contraire ce montant est proratisé (durée cotisée / durée d’assurance pour le taux plein).
La MAJEX peut être servie par différents régimes si la personne est polypensionnée [régime général, Mutualité Sociale Agricole (MSA) et Caisse d'assurance vieillesse invalidité et maladie des cultes (CAVIMAC)], chaque régime la servant au prorata de la durée cotisée dans celui-ci.
La pension de base au régime général est plafonnée à 847,57€, ce montant étant également proratisé à la durée d’assurance. Le versement est également plafonné à un total de pensions (hors surcote) tous régimes confondus de 1.352,23€ mensuels, et est donc ajustée au mois le mois selon l’évolution des retraites perçues par l’assuré.
La MAJEX est révisée lorsqu’une nouvelle retraite de base ou complémentaire est attribuée, ou lorsque le montant de l’une d’entre-elles est modifiée.
La MAJEX n’est pas prise en compte dans les ressources prises en compte pour le bénéfice des aides au logement ou de la complémentaire santé solidaire, mais l’est pour l’allocation veuvage la pension de réversion ou l’ASPA.
Le cumul emploi-retraite permettra d’ouvrir des droits nouveaux, mais cela ne sera possible uniquement que pour les personnes parties en retraite à taux plein. Cela exclura donc les personnes ayant des carrières hachées et incomplètes, et bénéficiera avant tout aux personnes qui, en plus d’avoir pu bénéficier d’une bonne carrière, auront la faculté de trouver un nouvel emploi ou de reprendre une activité en auto- entrepreneur.
Les droits nouveaux constitués par ce dispositif donneront lieu à une deuxième liquidation de retraite selon les règles générales (il ne sera pas possible d’être en cumul dans une activité fonctionnaire) :
50% du salaire annuel moyen cotisé X nombre de trimestres cotisés / Nombre de trimestres requis
Pour quelqu’un né en 1963 (170 trimestres requis) deux années de travail à temps plein au plafond de sécurité sociale (salaire brut de 3 666 €, maximum pouvant être retenu) dans ce cadre donneraient environ 86 € bruts de pension supplémentaire par mois ; pour une personne née la même année faisant deux années au SMIC ce serait environ 41 € bruts.
Il n’est possible de bénéficier du dispositif qu’une seule fois. Ce dispositif est rétroactif à compter du 1er janvier 2023.
La retraite progressive permet de réduire son activité à partir de 60 ans dès lors qu’on a acquis au moins 150 trimestres d’assurance. Elle consiste en une liquidation partielle de la retraite en compensation d’une réduction d’activité professionnelle :
Elle permet de continuer à acquérir des droits en vue de la liquidation définitive de sa retraite.
Elle est étendue à des publics qui jusqu’à présent en étaient exclus (fonction publique notamment), mais l’âge d’ouverture de celle-ci étant de deux années avant l’âge légal, le report de ce dernier reculera donc l’accès à ce dispositif dans le futur.
Si aujourd’hui le dispositif de retraite progressive est possible dès 60 ans, il ne sera ouvert qu’à compter de 61 ans pour les personnes nées en 1964, et à 62 ans pour celles nées à partir de 1968. Ainsi, il ne sera donc possible de bénéficier de la retraite progressive qu’à l’âge qui était l’âge légal avant la réforme.
La retraite progressive est calculée selon les règles générales, avec un prorata selon la réduction d’activité :
[(50% du SAM (salaire annuel moyen) des 25 meilleures années X nombre de trimestres validés) / nombre de trimestre requis] X taux de décote
[(75% du dernier traitement indiciaire brut X nombre de trimestres validés) / Nombre de trimestres requis ] X taux de décote
Pour un temps partiel à 80%, le montant ainsi obtenu est ramené à 20% ; pour un temps partiel à mi-temps le montant est ramené à 50% ; en cas de réduction d’activité à 40%, la pension provisoire est à 60% (maximum).
Elle peut être révisée en cas de modification de la durée d’activité
L’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) est un droit non contributif tendant à porter les ressources d’un assuré bénéficiaire d’une retraite personnelle ou de réversion à un montant minimum. Elle est soumise à une condition d’âge (65 ans), de ressources (961,08 € bruts mensuels pour une personne seule, et 1.492,08 € pour un couple), de subsidiarité (toutes les pensions doivent avoir été demandées) et de résidence.
La réforme fait passer à compter du 1er septembre la condition de résidence d’un minimum de 6 mois à 9 mois durant l’année civile, en alignement sur la condition pour le bénéfice du Revenu de Solidarité Active (RSA). Cette mesure a été introduite par un amendement au Sénat des Républicains, que le Gouvernement a repris dans le texte soumis au 49-3. La durée de résidence peut par ailleurs être augmentée à l’avenir par décret pris en Conseil d’Etat.
Le contrôle de cette durée de séjour s’effectue chaque année pour les prestations servies (ASPA et minimum vieillesse). En revanche, le seuil de 6 mois est maintenu pour les autres prestations, notamment l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI) [article L. 815-24 du Code de la Sécurité Sociale (CSS)] et l’allocation veuvage (article L. 356-1 CSS).
L’ASPA est récupérable sur succession lorsque l’actif net de cette dernière (ensemble des biens et avoir déduits des dettes) est supérieur à 39.000 € en métropole et à 100.000 € dans les Outre-mer. Ces montants n’avaient pas été revus jusqu’à présent.
La réforme modifie ces seuils à compter du 1er septembre. Cette modification n’est effective que pour les personnes qui décèderaient à compter de cette date.
Le seuil est rehaussé à 150.000 € dans les Outre-mer jusqu’au 31 décembre 2029.
En métropole, il passe à 100.000 € le 1er septembre, et sera revalorisé tous les ans au 1er janvier en fonction de l’inflation.
La mesure concerne uniquement les bénéficiaires du régime général (sauf pour les travailleurs indépendants), du régime des salarié.es non agricoles, des salarié.es agricoles et du régime des cultes. Une demande est effectuée par l’orphelin.e au titre de chacun des parents ouvrant droit à la PO (pension d’orphelin).
Le demandeur doit adresser sa demande aux régimes compétents au moyen d’un formulaire unique dédié. Pour les orphelins mineurs non émancipés, ou les majeurs protégés, la demande doit être formulée conformément aux dispositions du code civil en matière de représentation (tutelle, curatelle, etc).
Si les parents relevaient d’un seul régime de retraite, la demande est formulée par chaque orphelin, au titre de chacune de ces personnes, à la caisse de retraite de sa résidence ou, en cas de résidence à l’étranger, à la CNAV (mentionnée à l’article L. 222-1) ;
Si l’un des parents relevait de plusieurs régimes de retraite, la demande est formulée par chaque orphelin, au titre de chacune des personnes ouvrant droit à la PO, auprès d’un de ces régimes, dit « régime d’accueil », au choix de l’orphelin.e, par le biais de l’imprimé unique précité.
La date d’effet de la PO est fixée :
- au plus tôt, au premier jour du mois qui suit :
- au premier jour du mois suivant la date de réception de la demande, si celle-ci est déposée après l'expiration du délai d'un an.
Si le parent décède avant la liquidation de ses droits à retraite, la pension est déterminée selon les paramètres de sa génération (notamment pour la durée d’assurance requise), sur la base du taux plein. Le montant de la PO est de 54% du montant de la pension, avec un minimum de 100 euros bruts par mois, et sans que le total des pensions servies (en cas de multiples orphelins) ne puisse dépasser le montant de la pension de base.
La PO est versée jusqu’à l’âge limite de 21 ans.
Cet âge est relevé jusqu’à 25 ans si les ressources sont inférieures à 55% du SMIC horaire X 169h X 12.
Les périodes non travaillées ou travaillées à temps partiel pour élever des enfants ou s’occuper d’un enfant ou d’un proche handicapé ou malade, peuvent être prises en compte pour la retraite via l’AVPF (allocation vieillesse des parents au foyer).
Dispositif créé en 1972, il permet aux :
L’affiliation est effectuée par les organismes débiteurs des prestations familiales (caisses d’allocations familiales, caisses du régime agricole), qui prennent en charge les cotisations vieillesse
Ces cotisations sont calculées au taux de droit commun sur la base du SMIC. Le compte carrière des intéressés est alimenté par le report de salaires forfaitaires :
Les organismes d’affiliation adressent à l’Assurance retraite les déclarations contenant les informations nécessaires à l’alimentation du compte carrière.
Création de l’AVA (allocation vieillesse pour les aidants)
Parmi les aidant.es de proches parents ou d’enfants en situation de handicap, nombreux.ses sont ceux et celles qui sont contraints de réduire ou d’interrompre leur activité professionnelle, avec des conséquences négatives sur leurs droits à la retraite. Dans le cadre de la réforme, il est désormais opéré une distinction dans les modalités de désignation avec la création de l’AVA pour :
Le taux de handicap est maintenu à 80%, avec une exemption de cette condition pour l’enfant handicapé éligible au complément de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé.
La condition de cohabitation est supprimée pour l’aide à adulte handicapé, et il est désormais possible de bénéficier du dispositif d’aide à l’aidant même sans lien de parenté.
Mesures communes
Les trimestres d’AVPF et d’AVA seront pris en compte pour l’éligibilité à la carrière longue dans la limite de 4 trimestres confondus au cours de la carrière.
Ils seront également pris en compte pour la détermination de la majoration du minimum contributif dans la limite de 24 trimestres confondus (y compris si ces périodes ont été effectuées en qualité de fonctionnaire).
Le projet de reconversion professionnelle doit permettre à un.e salarié.e titulaire d'un Compte Professionnel de Prévention (C2P) après avoir été exposé à certains facteurs de risques professionnels (voir schéma⬇️)) de mobiliser ses droits acquis dans ce cadre pour financer un bilan de compétences, de la VAE et/ou une ou plusieurs actions de formation :
Projet de transition professionnelle pour usure professionnelle (hors C2P)
Le Fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle (FIPU) liés aux risques ergonomiques (voir schéma).
La reconversion professionnelle :
Pour financer ces projets, le FIPU (fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle) votera une dotation versée à France compétences qui la répartira entre les associations Transitions Pro (AT Pro) en fonction de la masse salariale des régions et de leur taux de sinistralité, dédiée au financement de projets de transition professionnelle (PTP) pour les salariés non titulaires d'un C2P mais concernés par un risque professionnel (facteurs ergonomiques) :
Les assuré.es titulaires d’au moins un trimestre au titre
et qui justifient de la durée d’assurance requise pour le taux plein à 63 ans peuvent bénéficier d’une surcote lors de leur départ en retraite dans la limite de 5%.
Les personnes polypensionnées bénéficient de la surcote quel que soit le régime d’obtention de la MDA (voir annexe).
Les articles 13 et 14 de la LFRSS pour 2023 prévoient de nouvelles modalités de répartition, entre les parents, des trimestres de MDA éducation et adoption (article L351-4 du CSS).
La mère devra bénéficier au minimum de 2 trimestres MDA éducation et/ou MDA adoption par enfant. Le décret précise que ces dispositions s’appliquent aux demandes de répartition de trimestres de majoration de durée d’assurance déposées à compter du 16 avril 2023.
Pour mémoire, l’article 15 de la Loi de Financement Rectificative de la Sécurité Sociale (LFRSS) pour 2023 prévoit également de nouvelles modalités d’attribution des trimestres de MDA éducation :
Les indemnités journalières maternité, versées dans le cadre des congés de maternité ayant débuté avant le 1er janvier 2012, sont désormais incluses dans le salaire annuel moyen pour le calcul des retraites prenant effet à compter du 1er septembre 2023. Le montant forfaitaire des IJ est reporté sur l’année civile de naissance du ou des enfants.
Pour les IJ maternité versées avant le 1er janvier 2012, un report forfaitaire égal à une fraction du salaire médian de l’année précédant la naissance selon le nombre de naissances et le nombre d’enfants déjà nés :
Le salaire médian sera défini par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.
L’assurée doit justifier de la qualité d’assurée sociale dans l’année précédant la date de naissance du ou des enfants. Cette qualité d’assuré social est acquise dès lors qu’une cotisation a été versée par l’assurée : la qualité d’assuré social est très différente en matière d’Assurance retraite (versement de cotisations si minime soit-il) et en matière d’Assurance maladie (article R.313-3 du CSS affiliation à la Sécurité sociale pendant 10 mois avant l’accouchement + nombre d’heures de travail minium ou montant de cotisations minimum).
Ces dispositions sont applicables aux pensions prenant effet à compter du 1er septembre 2023, avec un décret publié le 21 août 2023, et l’arrêté définissant le salaire médian pas encore paru.
Les périodes d’inscription sur la liste des sportifs de haut niveau (sportifs, entraîneurs, arbitres et juges sportifs de haut niveau) peuvent donner lieu à la validation de trimestres assimilés à des trimestres d'assurance
Les personnes inscrites sur la liste des sportifs de haut niveau peuvent également effectuer des versements de cotisations pour la retraite (VPLR) à compter du 1er septembre 2023. Ces rachats sont uniquement valables au régime général.
Pour les retraites prenant effet à compter du 1er septembre 2023, les stages suivants peuvent donner lieu à validation en périodes assimilées :
En complément de ceux déjà listés par la loi, le décret précise les différents stages de formation professionnelle continue permettant une validation :
Un trimestre est acquis sur justificatifs à raison d’un trimestre pour 50 jours de stage. La Cnav annonce la mise en ligne d'un « service spécifique » d'ici la « fin septembre ».
La validation de ces trimestres est aussi limitée au nombre de trimestres (4) pouvant être acquis au cours d’une année civile.
L’ensemble de ces différentes périodes serait pris en compte pour l’éligibilité à la carrière longue sur le début de carrière, mais s’agissant de trimestres n’ayant pas donné lieu à cotisations ils ne compteraient pas dans la durée requise pour pouvoir partir et devraient être compensés par des trimestres cotisés supplémentaires.