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LA CGT INTERPELLE LA MINISTRE DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE

Madame la Ministre,

La CGT salue votre participation à la première séance du CNESER suivant votre nomination au ministère. Nous sommes ouverts au dialogue et prêts à vous rencontrer.

La situation générale de l’enseignement supérieur et de la recherche est inquiétante. Les politiques mises en œuvre ont tourné le dos au projet essentiel pour l’avenir de notre pays, d’un enseignement supérieur démocratisé, accessible à tous et de qualité.

Sous le quinquennat précédent, les politiques engagées n’ont eu de cesse de fragiliser toujours plus les grands organismes publics de recherche, les universités et les étudiant.es.

Nous avons notamment assisté

  • À une mise en concurrence des établissements, des personnels et des étudiant.es.

  • À une accentuation des regroupements d’établissements avec le renforcement d’un enseignement supérieur à plusieurs vitesses.

  • À l’organisation d’une pénurie dans l’enseignement supérieur public abandonné sans moyen de locaux, de postes, de fonctionnement de base pour faire face à l’afflux d’étudiant.es.

  • À un renforcement de la sélection dès l’entrée dans le supérieur via une orientation imposée par l’algorithme Parcoursup avec un tri massif, puis un goulot d’étranglement à l’entrée du master.

  • Au défaut de la réforme des bourses pourtant promise, mais à une réduction des APL.

  • À des hausses drastiques des frais d’inscription pour les étudiant.es étrangers et dans les écoles d’ingénieurs publiques.

  • À une professionnalisation à outrance, adéquationniste et ne répondant pas aux besoins à long terme des diplômes comme des entreprises.

 

En revanche, dans le même temps c’est le tapis rouge qui a été déroulé pour l’enseignement privé par l’intégration d’établissements privés dans les regroupements d’universités et les établissements expérimentaux, par la dispersion à tout-va des grades universitaires et par le financement indirect par l’apprentissage et les bourses.

Le long épisode de la crise sanitaire aura été marqué pour les universités par un abandon de la communauté scientifique et des étudiant.es et par une gestion catastrophique.

Dans les établissements laissés livrés à eux-mêmes, se sont généralisées des conditions de travail et d’études dégradées engendrant une souffrance accrue au travail pour tous les personnels, une augmentation inédite de la précarité étudiante, s’accompagnant d’une explosion de la détresse psychologique et d’un abandon des études.

Pour la CGT, il est temps de mettre un terme à cette entreprise de destruction du service public de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Il est nécessaire de se réapproprier la feuille de route de la StraNES concernant l’objectif de mener a minima 60 % d’une même classe d’âge à l’obtention d’une licence. Cela suppose de donner des moyens renforcés à l’éducation, de construire de nouvelles universités et de lâcher la boussole du classement de Shanghai pour assurer l’accès du plus grand nombre de jeunes à l’enseignement supérieur, pour leur garantir les meilleures conditions d’études et d’épanouissement. Le pays a besoin d’elles et d’eux. L’université aurait dû être une priorité des plans de relance, pas à travers un PIA 4 renforçant le schéma contestable actuel, qui arrose là où c’est déjà mouillé et qui met l’Enseignement supérieur et la recherche au service du court terme et des exigences de rentabilité financière du monde économique. Il est temps que les dépenses nationales pour l’enseignement supérieur atteignent immédiatement les 2 % du PIB et 3 % dans les années à venir.

Quant à l’effort global de recherche, notre pays n’est pas du tout au niveau des pays économiquement comparables, ce qu’a bien analysé le Conseil économique, social et environnemental à l’occasion des avis qu’il a produits sur la LPR et dans ses rapports annuels de l’État de la France. Quand l’Allemagne consacre 3,17 % de son PIB à la recherche, la France affiche quant à elle péniblement 2,2 %. Le secteur de la recherche publique manque de moyens et souffre d’une précarité endémique, avec 0,8 % du PIB consacré à la recherche publique. Les EPST, Universités, EPIC sont confrontés à des budgets propres extrêmement insuffisants, à des réductions drastiques d’effectifs et à la mise en place de financements précaires à travers les AAP de plus en plus orientés sur des projets de court terme.

Quant aux entreprises de notre pays, leur investissement en propre dans la recherche, hors aides publiques, stagne à 1,1 % depuis plus d’une décennie. Accaparé et largement détourné par certains grands groupes pour l’accroissement de leurs marges, le généreux CIR à plus de 7 milliards n’a pas engendré les efforts et les productions que la nation était en droit d’attendre. À l’exemple de Sanofi qui n’a pas été capable de proposer un vaccin contre la Covid, plusieurs grands groupes industriels réduisent leurs capacités de recherche et de production tout en bénéficiant de l’aide de l’État. Même les aides économiques massives durant la crise de la Covid n’ont pas empêché plusieurs entreprises d’engager des restructurations et des PSE. Certains grands groupes parmi lesquels Michelin, Nokia, Renault, IBM, General Electric taillent dans leurs effectifs de recherche et d’ingénierie compromettant clairement l’avenir industriel de notre pays déjà bien mis à mal dans ce domaine.

Ni la Loi programmation de la recherche votée à la sauvette en pleine période de pandémie fin 2020, ni les plans de relance proposés pour sortir de la crise sanitaire ne sont venus rectifier des orientations qui mènent à ce constat. Pire, les choix qui les sous-tendent ne font qu’accentuer la dérive engagée depuis deux décennies.

Sur le financement comme sur l’emploi et la recherche partenariale, on est très loin du compte ! (Article paru et publié sur le site de la cgt.fr)

Pour répondre à ce contexte alarmant la CGT avance 4 axes

  1. Créer et développer les conditions pour une R&D publique ambitieuse. La recherche fondamentale doit bénéficier de personnels sous statut et de moyens récurrents. Les enjeux du futur ne peuvent être relevés par le pays sans une recherche publique ambitieuse permettant de faire progresser le front des connaissances dans tous les domaines.

    Pour répondre aux besoins de la société et permettre un essor industriel et un développement de l’emploi dans notre pays, la CGT considère qu’il faut accroître substantiellement les moyens de la recherche en amont, sans laquelle toute velléité de R&D ou d’innovation est vaine.

  2. Proposer des conditions de transfert « Recherche publique-monde économique » profitables à toutes les parties en s’appuyant notamment sur les EPIC recherche afin que la France puisse transformer au mieux ses avancées scientifiques en applications industrielles et économiques.

  3. Mettre en œuvre des mécanismes capables de booster l’investissement du secteur privé dans la R&D. Il ne peut en effet y avoir d’économie durable sans un effort conséquent de dépenses des entreprises dans la recherche.

  4. Permettre un accès plus important de la société à la connaissance. Ce qui pose la question de la démocratisation des savoirs et des choix en ce qui concerne la recherche et l’innovation. Plus que jamais notre pays a besoin d’une démocratie sociale effective.

La paupérisation de nos services publics et la crise des recrutements sont directement le résultat des politiques low cost, de négation de la qualification et de déclassement salarial : la 7e puissance mondiale n’a plus assez d’enseignants, de chercheurs, de médecins, d’infirmiers, d’ingénieurs … La France est confrontée à un problème majeur dans son système de santé. Les urgences des hôpitaux craquent, les personnels et leurs organisations syndicales ont maintes fois tiré le signal d’alarme. La situation est gravissime. En dépit des discours et des promesses, les moyens pour former les personnels de santé font défaut.

Pour la CGT, il est urgent de réorienter le pays sur d’autres voies pour répondre aux besoins des populations et aux défis qui sont les nôtres. C’est à cela que nous entendons ici et ailleurs travailler. Vous avez précisé que vous ne disposiez pas de baguette magique, mais vous le savez, il appartient au gouvernement de faire les choix politiques de financement et de consolidation du service public d’enseignement supérieur et de recherche sans lesquels il nous sera impossible de relever les défis.

Pour conclure sur le CNESER

La CGT présente dans la diversité des collèges de cette instance, impliquée sur l’ensemble des problématiques examinées, exprime à l’occasion de votre prise de mandat, Madame la Ministre, le souhait d’un CNESER utile et efficace, consulté et respecté. Cela signifie que les avis notamment unanimes soient parfois suivis par le ministère.

Il est peut-être utile de rappeler que les missions du CNESER concernent à la fois l’Enseignement supérieur et la Recherche. Si les contours du CNESER ont changé depuis 2015, ses missions ont été élargies et de nouveaux collèges y ont fait leur entrée, force est de constater qu’un rééquilibrage est nécessaire pour que plus de temps soit consacré dans cette instance aux orientations de la recherche, aux moyens et aux orientations des organismes de recherche, à l’exemple des EPIC.

Sylviane Lejeune, représentante de la CGT au Cneser, dirigeante de l’Ugict-CGT

 
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